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Contre l’assignation identitaire qui gagne

Contre l’assignation identitaire qui gagne Publié le 10 mars 2021 Les questions identitaires sont au centre du débat politique depuis de nombreuses années déjà. Elles avaient jusque dans les années 2000 une dimension émancipatrice par rapport à l’appartenance à des minorités mal reconnues. Il s’agissait de trouver sa place dans une société française ouverte sur l’extérieur. Les questions identitaires avaient également une dimension politique très forte face à la montée de l’extrême droite qui en faisait un sujet politique contre l’immigration. Puis les revendications identitaires se sont développées également sur d’autres terrain : les questions de genre et la montée en puissance des revendications liées aux libertés sexuelles, à la procréation médicalement assistée ; les questions religieuses et notamment le port du voile dans l’espace public. Elles ont également investi le champ de la mémoire avec les débats sur le colonialisme, le « racialisme », l’esclavage, la repentance et plus généralement le poids à accorder à l’histoire dans nos sociétés. Les questions identitaires sont également présentes dans le champ politique où le régionalisme, le nationalisme, les tenants d’une Europe fédérale, les mondialistes ont également leurs adeptes. Et la liste n’est pas close. Le sentiment d’appartenance à un groupe, à une communauté, à une histoire, à un territoire, à un passé, à une communauté ethnique, à une religion peut être ainsi décliné à l’infini. Rien de choquant à cela si les individus concernés y trouvent leur compte pour se sentir mieux reconnus. Nous nous sommes tous construits à partir d’identités multiples dont les unes prennent parfois le pas sur les autres à certaines périodes de la vie. Notre identité n’est pas figée. Elle évolue en permanence au gré de notre conscience, de nos actes assumés ou regrettés, de nos adaptations successives au milieu qui nous entoure. Cette multitude d’identités peut même être vécue et présentée comme une richesse porteuse d’altérité faisant le creuset d’une société riche de ses différences. Il n’y aurait pas matière à y redire si ces sentiments n’altéraient pas notre capacité à vivre ensemble, à nous parler sans haine, à conserver le sentiment d’appartenance à une même société. Il n’y aurait pas matière à y redire si ces sentiments débouchaient sur des revendications au sein de l’espace public entre personnes d’identités différentes qui se respectent et continuent à vouloir vivre ensemble, sans entrave à la liberté de chacun. Hélas, ce n’est pas, ce n’est plus le cas. Derrière chaque identité revendiquée, supposée, accolée par d’autres sur vous-même, il se cache parfois une revendication victimaire qui se déclare et s’exprime hélas trop souvent dans l’exclusion et la haine. Le dialogue devient difficile. On revendique très fort sur l’égalité des droits, la reconnaissance du passé, le statut de victime qui demanderait réparation. L’identité, celle qu’on se choisit à un moment donné, devient donc un support d’expressions tous azimuts pour affirmer ses droits, nous seulement le droit à l’égalité mais également le droit à la différence, le droit à la réparation. Et ces identités vous collent à la peau. Elles ne vous permettent plus de vous échapper de l’appartenance au groupe que l’on vous assigne de l’extérieur, auquel on vous identifie. La couleur de votre peau, votre statut social, la nation à laquelle vous appartenez avec son passé et son actualité, votre genre, votre orientation sexuelle, votre âge, votre style de vie, votre religion, votre mode d’expression font de vous le représentant d’un groupe clos dont il devient de plus en plus difficile de s’extraire. L’identité que vous vous êtes choisi se mêle à celle dont on vous affuble pour devenir réductrice de votre espace de liberté et d’expression. Impossible pour vous de prendre la parole sans être immédiatement ramené à une de vos identités particulières qui expriment mieux que tout, ce que vous n’avez peut-être jamais dit et pensé, ce que vous vous apprêtez à dire et à faire. Votre opinion est raccrochée, rivée à votre identité pas forcément celle que vous souhaitez mais celle qu’on vous impose et qui vous porte comme elle vous discrédite. Par exemple, votre prise de parole n’est plus véritablement légitime si vous vous exprimez sur les jeunes alors que vous êtes vieux, si vous êtes un homme et parlez sur les femmes, si votre peau est de couleur blanche et que vous évoquez la cause des noirs ou vice-versa, si vous appartenez à l’histoire d’une puissance anciennement coloniale et que vous vous exprimez sur ces questions. En sortant de votre groupe d’assignation, vous n’êtes plus crédible. En restant à l’intérieur du groupe, vous êtes dans l’entre soi. Dans un tel système, comment pouvoir encore porter la parole de l’autre sans être immédiatement accusé de coupables conflits d’intérêts ? Comment pouvoir parler des dominés alors que vous êtes perçu comme faisant partie des dominants sans être immédiatement accusé d’être juge et partie ? Comment enfin sortir du ghetto identitaire qui vous sert de refuge mais qui vous enferme également ? Votre légitimité à parler et à soutenir un point de vue n’est plus le fruit de vos connaissances, de votre apprentissage, de votre parcours mais simplement l’interprétation de ce que pourrait dire et penser un individu de votre groupe d’origine. Vous êtes donc enfermez ou on vous enferme dans l’étroitesse d’une identité particulière, porteuse de revendications comme de discriminations, de victimisations, de « tu ne peux pas comprendre ». Vos identités multiples ne sont plus des socles en forme de passerelles vous permettant de vous ouvrir à l’autre mais une série de déterminismes particuliers qui dressent les contours étroits et singuliers d’un espace de plus en plus réduit dont il devient impossible de sortir. Vous êtes, vous devenez, on vous considère comme le représentant d’un groupe identitaire qui vous assigne à résidence, qui vous enferme dans un mode de pensée et d’être. Votre parole, vos idées, vos actions sont déjà signées avant même qu’elles soient prononcées ou entreprises. Impossible d’aller vers l’autre à moins qu’il ne soit votre semblable. Impossible de prendre la parole pour d’autres, les représenter, si vous ne partagez pas leurs origines. Impossible enfin d’échapper aux stéréotypes stigmatisants qui sont parfois associés au groupe que d’autres parfois vous ont choisi. Les identités subies plus que choisies se referment sur vous comme un piège dont il n’est plus possible de s’extirper. L’assignation identitaire poursuit son œuvre de mutilation, d’emprisonnement. Vous n’êtes plus considéré comme un individu libre mais comme le simple dépositaire d’un genre, d’une origine, d’une famille ou d’un groupe qui fixent à jamais les contours de votre espace de liberté.

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