Accéder au contenu principal

La bourse et la vie

Économie et social
La bourse et la vie
Mis en ligne le 21/08/2009
Une opinion de Vincent De raeve, Julien Dohet, Pierre Eyben, Olivier Starquit et Karin Walravens.
Le terme "travail" vient du latin "tripalium" qui désignait un instrument de torture. Notre société a à la fois élevé le travail au rang de valeur et organisé sa rareté. Celles et ceux qui en sont démunis se voient stigmatisés. Cette raréfaction du travail, notamment due à la mise en concurrence mondiale des travailleurs et à l’augmentation généralisée de la productivité, ne lui permet plus d’accomplir son rôle d’intégration sociale.
Par ailleurs, "l’éloge du travail au moment de sa raréfaction empêche l’alliance des travailleurs et des chômeurs pour exiger un autre partage du travail et de la richesse produite". Le problème n’est en effet pas tant la production de richesses que sa destination (son usage).
Face à la crise, les revendications en matière de pouvoir d’achat éludent cette situation. L’essentiel est-il que les esclaves soient mieux nourris ou qu’ils ne soient plus esclaves ? Quel outil permettrait de s’attaquer à la centralité du travail ? Et si, à terme, l’idée d’un droit inconditionnel à un revenu versé à chaque individu majeur indépendamment de sa situation, qu’il (ou elle) soit actif, TSE étudiant, retraité, femme/homme au foyer, banquier ou autre pouvait être cette piste envisageable ?
Les mots sont importants : nous n’évoquons pas ici l’allocation universelle d’inspiration libertarienne, revendiquée notamment par le parti Vivant qui fait abstraction de toute redistribution des richesses et qui la finance par la TVA, impôt socialement discriminant. Nous préférons parler d’un revenu de citoyenneté, revenu qui permettrait à chacun de choisir sa vie de manière plus indépendante dans la mesure où il détendrait la contrainte de travail, liée à celle du revenu.
Pratiquement, grâce à ce socle inconditionnellement attribué, chacun pourrait opter entre les différents types d’activités - lucrative, bénévole, privée - ou même pour la non-activité. Ce revenu "serait dû à chacun en tant qu’héritier légitime de la richesse accumulée par les générations antérieures, qu’il contribue à enrichir par ses activités tout au long de la vie".
L’idée est que la solidarité ne doit pas simplement s’exercer au moment où nous en avons besoin mais qu’elle doit être constamment présente. Selon ce principe, l’Etat dont nous sommes les éléments constitutifs devrait rendre inconditionnel le revenu propre à autoriser matériellement notre participation à la vie sociale. Cette piste permettrait en outre de quitter une société qui infantilise, contrôle et culpabilise, qui fabrique "des gens incapables de se concevoir comme sujets de leur existence, de leur activité et de leurs liens sociaux, des gens qui dépendent de ce que des employeurs privés ou publics leur donnent à faire".
Par cette réarticulation de la valeur du travail, le revenu de citoyenneté pourrait également être le levier d’un changement de paradigme mettant à l’encan consumérisme et rivalités ostentatoires. Vivre mieux n’est pas seulement un problème de répartition et donc de rapport de forces entre classes, mais aussi une question fondamentale à la racine du sens que l’on donne à la vie et à la production.
Ce revenu inconditionnel, supérieur au seuil de pauvreté et lié à un revenu maximal autorisé serait favorable au temps choisi et au travail vécu comme une contribution volontaire à la collectivité. Outre les économies réalisées en termes de contrôles, son financement est techniquement possible par un IPP plus fort sur les hauts revenus et surtout par un basculement de la fiscalité vers le capital. En 1969, on rêvait de marcher sur la lune, quelle nouvelle frontière explorer ?
Entre les déceptions d’un rêve socialiste perverti et les décombres de nos sociétés déstructurées par le capitalisme, il y a un espace pour une nouvelle utopie sociale et non productiviste. Construire un projet de société de gauche, c’est définir et organiser les conditions de vie qui permettront à chacun de s’épanouir. Le revenu de citoyenneté semble un outil intéressant s’il est bien compris.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Male or Female

Wednesday, August 19, 2009 Caster Semenya: Male or female? Caster Semenya's sex in doubt, as reports of sex testing and potential disqualification surfaceBy now, most of you will be aware that South Africa's 800m sensation, Caster Semenya, has been reported as a potential disqualification from tonight's 800m final in Berlin, on the grounds that the IAAF had conducted tests on her to establish her sex, and that she might be male (I must clarify this - it's not an issue of male vs female, but of "entirely female", since she may possess secondary male characteristics as a result of some condition, reported as hermaphroditism).This latest report (unconfirmed, I might add, at least with respects to the DQ - apparently the testing was done) is the climax of rumors that have been doing the rounds ever since the 18-year set the world's fastest time of 1:56.72 in a low key meeting in Mauritius recently.I have been quite silent on the issue, and will continue to do...

2020 US Presidential Election Map

2020 US Presidential Election Map By County & Vote Share December 3, 2020 2020 US Presidential Election Map By County & Vote Share Map created by Magog the Ogre via Wikimedia The map above shows the county level and vote share results of the 2020 US Presidential Election. The darker the blue the more a county went for Joe Biden and the darker the red the more the county went for Donald Trump.

Contre l’assignation identitaire qui gagne

Contre l’assignation identitaire qui gagne Publié le 10 mars 2021 Les questions identitaires sont au centre du débat politique depuis de nombreuses années déjà. Elles avaient jusque dans les années 2000 une dimension émancipatrice par rapport à l’appartenance à des minorités mal reconnues. Il s’agissait de trouver sa place dans une société française ouverte sur l’extérieur. Les questions identitaires avaient également une dimension politique très forte face à la montée de l’extrême droite qui en faisait un sujet politique contre l’immigration. Puis les revendications identitaires se sont développées également sur d’autres terrain : les questions de genre et la montée en puissance des revendications liées aux libertés sexuelles, à la procréation médicalement assistée ; les questions religieuses et notamment le port du voile dans l’espace public. Elles ont également investi le champ de la mémoire avec les débats sur le colonialisme, le « racialisme », l’esclavage, la repentance et pl...